Sous-marin Saphir S602

Sous-marin Saphir S602

Les "oreilles d'or"


Les "oreilles d'or"

 

 

Dans les profondeurs des océans, c'est un festival de sons mais sans lumière.

 

Comment différencier le son d'un iceberg, d'une baleine ou d'un bateau à plusieurs kilomètres sous l'eau ?

 

Mis en valeur par le film "Le chant du loup" d'Antonin Baudry en 2019,  l'identification de tous les bruits de l'océan sont réalisés en partie par des hommes dont la fonction est tenue secrète, les "oreilles d'or".

 

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                   Photo du film "le champ du loup"

 

L'eau est un milieu presque mille fois plus dense que l'air ou les sons se propagent cinq fois plus vite et parcourent une plus grande distance. 

 

Pollution sonore

 

Contrairement à l'adage du commandant Cousteau,  les mers et océans  sont loin d'être "le monde du silence" : les icebergs  craquent, les animaux marins  chantent ou se battent, ..... A ces bruits naturels il faut ajouter l'activité humaine : les forages pétroliers ou éoliens qui utilisent des canons à air pour sonder le plateau océanique, le déplacement des bateaux ......

 

Le sonar d'un sous-marin capte tous ces sons mais sans les différencier précisément. Reconnaître ces sons est la mission des " oreilles d'or".

 

 

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Les oreilles d'or ne travaillent pas seuls mais en étroite collaboration avec les opérateurs du sonar qui balaye le champ aquatique autour du sous-marin. Le sonar écoute et enregistre tous les bruits pour que les opérateurs puissent établir la route du sous-marin, sa vitesse et la distance qui le sépare de sa destination. En cas de doute, ils font appel aux spécialistes acoustique. L'analyse est rendue par "les oreilles d'or".

 

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                      Photo Marine Nationale

 

Les "oreilles d'or", de leur vrai nom Analystes en guerre acoustique, sont formés et s'entraînent au Centre d'Interprétation et de Reconnaissance Acoustique dans l'immense base navale de Toulon.

Si le premier critère de recrutement est une ouïe hors du commun, celle-ci ne suffit pas. Les candidats reçoivent une formation très pointue pour entraîner à la fois leur oreille, leur mémoire auditive, leur sens musical et leur sens à gérer le stress. La formation dure plusieurs années afin de transformer une ouïe fine en une experte en matière de classification. Les spécialistes parlent alors de signature acoustique pour chaque bateau.

 

Apprendre a reconnaître les sons et identifier un bateau en quelques secondes.

 

"Un sous-marin est comme une gigantesque oreille, des micros sont répartis à tous les endroits les plus judicieux de la coque et les sons sont perçus très loin sous l'eau. Un bateau pas très discret peut s'entendre jusqu'à 100 kms. On entend donc beaucoup mais encore faut il reconnaître ce que l'on entend. Le bruit d'un moteur de bateau civil est souvent facile à reconnaître mais pour un navire militaire et à fortiori un sous-marin construit justement pour être le plus silencieux possible c'est beaucoup moins évident. Un son qui pour tout le monde serait  qu'un vague crépitement sous l'eau, l'analyste entend  clairement un propulseur discret . Ce type de son, les oreilles d'or de la Marine Nationale apprennent tout simplement à les reconnaître. L'oreille d'or est entrainé, il sait ou chercher et il saura mettre en évidence cette indiscrétion du propulseur discret d'un  bateau militaire."(Cols bleus - CF J.F. ancien second du CIRA)

 

 

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                           Photo Saphir 

 

Le son sous l'eau est très clair. Depuis plusieurs centaines de mètres de profondeur, le sous-marin capte ainsi parfaitement les bruits de la surface : la pluie sur la mer, le bruit d'un orage ou le tir d'un canon. Même un outil qui tombe sur le pont d'un bateau, ou les chants des marins à son bord sont parfaitement audibles à 200m de fond.

Les bruits "biologiques", ce sont tous les animaux marins : les baleines qui chantent, le claquement des cachalots, les crevettes avec leur queue ou les dauphins qui sont très bavards, un florilège de bruits pouvant monter jusqu'à 200 décibels.

 

Un sous-marin peut se cacher derrière ces bruits là.

 

Les sous-marins sont eux aussi traqués, par d'autres sous-marins ( "Torchlight"- Saphir 99 ) ou par des bâtiments de surface adverses, qui eux aussi écoutent.

 

"Les sons biologiques nous aident souvent à nous cacher ... les dauphins surtout, ils accompagnent les sous-marins en profondeur. Ils sont joueurs, très bruyants et très bavards, ils masquent notre déplacement."

"CF J.F. ancien Csd du CIRA)

 

Tout l'art du sous-mariner consiste en effet à se déplacer en silence ou à masquer son approche. A ce jeu là,  les sous-mariniers de la "Royale" ne sont pas manchots ;  en 2015 pendant un exercice avec la marine US au large de la Floride, le Saphir a réussi a pénétrer le dispositif aéronaval américain sans être détecté et couler virtuellement le PA Théodore Roosevelt et plusieurs croiseurs lance missiles ..... sans jamais avoir été repéré.

 

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                 PA T. Roosevelt - Photo Saphir

 

 

L'extrême discrétion du sous-marin depuis la refonte "AMATHYSTE" et les progrès récents effectués  pourraient faire croire que les jours de la reconnaissance acoustique sont comptés. Ce serait oublier que cette discipline n'est pas limitée à la lutte contre les sous-marins mais  qu'elle reste le moyen essentiel d'informations de ces derniers en plongée.

 

Une bonne oreille, un bon coup d'oeil et une solide expérience sont plus que nécessaires, les oreilles d'or s'y emploient. Ils sont à la fois agents de renseignement, conseillers du commandant et instructeurs itinérants. 

 

 

 

Le Centre d'Interprétation et de Reconnaissance Acoustique - CIRA

 

 

l'aventure acoustique marine

 

Léonard de Vinci a écrit dans un de ses ouvrages : "Si vous stoppez votre navire, introduisez l'extrémité d'un tube dans l'eau et si vous placez votre oreille à l'autre extrémité, vous pouvez entendre les navires à une grande distance".

 

L'histoire de l'écoute sous-marine débute en 1917 avec la Commission d'Etudes Pratiques des Sous-Marins, CEPSM, qui utilise des stéthoscopes collés à la coque puis des géophones. A partir de 1935, les microphones puis le sonar passif prennent le relais. En 1970, l'Ecole de Navigation Sous-Marine ouvre le premier cours de classificateur.

Dans la ferveur qui précéda la mise en service du Redoutable, les écouteurs du CPESM se lancèrent dans l'analyse spectrale avec l'aide des opérateurs bouées de l'aéronautique navale. ALFOST de l'époque considéra qu'il était temps de se doter d'une unité chargée de former, entrainer et désigner des analystes. Le 24 mai 1983 une instruction de l'Etat Major de la Marine donna naissance au CIRA.

 

 

 

Le C.I.R.A.

 

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Le Centre d'Interprétation et de Reconnaissance Acoustique est situé dans la base navale de Toulon. Parmi ses missions figurent le soutien aux forces sous-marines et de surface, le développement des programmes de recherche acoustique, la formation, l'entrainement et le contrôle des écouteurs, des classificateurs et des analystes.

 

Les écouteurs

Ils sont sélectionnés à l'issue de leur brevet de spécialité DeASM, Détecteur Anti Sous-Marin, pour participer à un stage et reçoivent une mention délivrée par le Cdt du CIRA.

 

Les classificateurs

Sélectionnés parmi les écouteurs, ils reçoivent une mention de classificateur après un stage de plusieurs semaines. Deux fois par an, quelques volontaires ayant acquis une bonne expérience sont recrutés pour suivre le cours d'analyste.

 

Les analystes

Les classificateurs retenus obtiennent le certificat d'analyste acoustique au terme de plusieurs mois de cours pendant lesquels toutes les questions théoriques et pratiques liées à la reconnaissance acoustique sont abordées ( audio, spectrale, sonar, propagation, .....). Ils reçoivent alors le brevet supérieur de technicien DeASM et ce , pour le reste de leur carrière. Ils sont affectés au CIRA d' ou ils partent pour des missions de durée variable à bord des frégates ou des sous-marins. La plupart suivent le cours du brevet supérieur DeASM branche sous-marin filière analyste. Celui-ci se déroule en deux parties, la première au Centre d'Instruction Navale, la seconde au CIRA et dure plusieurs mois. Quelques titulaires du BS, ayant une solide expérience à la mer ont la possibilité d'accéder au brevet de maitrise en suivant plusieurs cycles d'unités de valeur (classification, renseignement, formation,...).

 

Le contrôle annuel

Comme depuis le début de l'aventure acoustique, tout ce petit monde est contrôlé chaque année par le CIRA.

 

Soutien mutuel

Les contacts enregistrés par les sous-marins et les frégates sont traités au CIRA puis diffusés dans les centres d'écoute comme support d'entrainement. Les opérateurs bouées de l'aéronavale de Lann-Bihoué et Nîmes-Garons ne sont pas oubliés et inversement, cela marche dans les deux sens !  Cette forme de soutien mutuel est très appréciable et d'autant plus performante qu'en 1990 le CIRA a crée une cellule Aéro pour immerger les "pingouins" parmi les "oreilles d'or".

 

 

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Qu'ils soient "sous-marin", "surface" ou "aéro" d'origine, les analystes ne manquent aucune occasion pour s'enrichir mutuellement de leurs expériences très différentes  et maintiennent l'émulation qui permet de faire progresser la reconnaissance acoustique.

 

 

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22/03/2022
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